Interview : 5 questions à Ahwahnee

La nouvelle loi anti-squat, qui permet d'expulser sans passer par un tribunal, vous révolte ?
Ce lundi 5 décembre devant la Mairie de Grenoble, le squat d'habitation et d'activités Ahwahnee (106 rue des alliés à Grenoble) organisait un rassemblement de soutien pour ce lieu et tous les autres squats en danger.
Pourquoi ? Que se passe-t-il ?
Le média ici Grenoble a posé cinq questions aux membres d'Ahwahnee :
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ici Grenoble : Quel est le projet de la Mairie de Grenoble sur le site d'Ahwahnee et ses alentours ?
Ahwahnee : La parcelle où se situe Ahwahnee fait partie de la Zone d'Aménagement Concerté (ZAC) Flaubert, vaste projet de gentrification du quartier Alliés-Capuche. Le nouvel écoquartier, avec ses façades végétalisées et son bar-bio branché, est typique d'un urbanisme anti-pauvre qui fait grimper les loyers et impose les préférences culturelles des classes aisées.
Pour mener à bien ce projet, l'association Le Fournil, qui offrait tous les jours des repas aux personnes les plus démunies, a été déplacée, et plusieurs campements ont déja été expulsés. Pour Ahwahnee, on est dans l'expectative, mais ce qui est sûr, c'est que le terrain vaut énormément d'argent et qu'on fera tâche dans leur quartier idyllique.
La Mairie de Grenoble vous a-t-elle fait une proposition de conventionnement, un peu comme le 38 rue d'Alembert ? Ou des propositions de relogement ?
Aucune proposition de relogement n'a été proposée. Il y avait eu un projet de conventionnement au début d'Ahwahnee. Mais la Mairie ne voulait pas qu'il y ait des bouteilles de gaz à l'intérieur, pas de caravanes ou de camping-cars sur le terrrain, et un nombre limité de personnes. C'était complètement à côté de la réalité de notre habitation. Ce projet de conventionnement n'est pas allé bien loin, la Mairie a fait en même temps un procès en référé pour nous expulser au plus vite.
Nous avons présenté au tribunal cette pseudo-convention pour dévoiler le double jeu de la Mairie. Les autorités déclaraient d'un côté à la justice qu'il y avait urgence à nous expulser du fait d'un prétendu trouble à l'ordre public, mais de l'autre côté ils négociaient avec nous un accord qui nous aurait permis de nous installer durablement. La Mairie à donc été contrainte d'abandonner sa procédure d'expulsion à notre encontre.
Dans votre communiqué, vous dénoncez des politiques racistes immondes de la Mairie de Grenoble. Pourriez-vous donner quelques exemples, pour que les lecteurs et lectrices puissent mieux comprendre votre analyse ?
La ville de Grenoble n'est pas directement responsable du racisme d'État qui contraint des milliers de familles à dormir dehors. Cependant, à nos yeux, les élu-e-s de Grenoble en commun ont choisi leur camp en privilégiant la violence et la répression au lieu de travailler à des solution politiques courageuses. Ils en sont donc les complices malgré leurs beaux discours.
Nous avions entendu il y a quelques années la Mairie de Grenoble se féliciter du fait que selon eux on ne voyait plus de campements à Grenoble. Ceci pour une bonne raison : au cours des deux mandats successifs, il y a toujours eu une politique d'expulsion systématique des camps et des squats, sans jamais proposer de relogement digne.
Les exemples ne manquent pas : le camp de l'alliance expulsé de façon extrêmement violente plusieurs fois de suite, les différents camps Valmy, le squat rue Léon Blum, le bidonville Esmonin ainsi que les camps derrière la Bifurk.
À certains moments, selon nos informations, la consigne avait même été donnée à la police municipale d'expulser tous les matins les familles sans logis ayant posé leur tante pour la nuit, de façon isolée dans un parc, allant même jusqu’à détruire leurs tentes.
Suite à l'incendie du 104 rue des alliés, nous avons vu les services techniques de la ville mettre à la benne les affaires personnelles d'une trentaine de famille tziganes. Nous les avons vu réduire en miette, au moyen de pelleteuses, ce qu'il restait des cabanes, des abris de fortune et des caravanes afin de s'assurer que ces personnes ne reviennent pas s'installer.
La ville de Grenoble n'a pas non plus hésité à couper l'électricité et même l'eau à plusieurs squats dont Ahwahnee, y compris en plein hiver !
Avez-vous reçu un ultimatum pour quitter les lieux ? Où en est la procédure juridique ?
Non, nous n'avons pas reçu d'ultimatum, en tout cas nous ne sommes pas au courant d'une procédure d'expulsion en cours. Mais avec le projet de loi anti-squat actuellement débattu à l'Assemblée nationale et agrémenté d'amendements de l’extrême droite, il sera de plus en plus facile de réprimer les habitantes et habitants des squats.
Cette loi punirait de 3 mois de prison et de 3750 € d'amendes les personnes qui se mettent à l'abri dans des bâtiments vides ou aident des gens à le faire. Et tout ça sans passer par un juge, sans avoir la possibilité de se défendre au tribunal, seulement sur décision du Préfet applicable en 48 heures. Cette loi concernerait aussi les locataires qui restent dans leur logement sans pouvoir payer le loyer.
Depuis sa création, le squat Ahwahnee a organisé de nombreux événements et soutenu de nombreuses personnes. En plus du rassemblement, quelles sont les autres manières de soutenir Ahwahnee ?
Nous avons une caisse de solidarité, que l'on partage aux personnes de la maison qui ne peuvent pas avoir d'argent par leurs propres moyens, entre autres parce que les lois racistes et xénophobes de l'État empêchent l'accès au travail et aux aides sociales aux personnes qui n'ont pas les bons papiers.
Nous avons aussi une caisse collective, qui permet de subvenir aux besoins de la maison. Vous pouvez soutenir Ahwahnee en apportant des denrées, de la thune, de l'aide matériel, des idées ou juste passer boire un café.
Effectivement il y a des activités chouettes dans ce lieu, mais elles auraient besoin d'un peu de coup de main. Il y a la cantine un dimanche une fois sur deux, la projection de films et l'atelier vélo tous les mardis. Et la zone de gratuité en permanence.