Combien "rapporte" un potager bio ?

Vous rêvez de faire un potager ? C'est le bon moment ! Janvier et février sont des mois parfaits pour commander des graines et organiser votre printemps-été.

Oui, mais combien ça "rapporte" un potager bio ? Combien de kilos de légumes peut-on espérer, par exemple sur 50 mètres carrés ? Et combien de temps ça prend ?

Si vous n'avez jamais jardiné de votre vie, mais si l'idée de devenir autonome en légumes vous enthousiasme, cet article est pour vous. Le média ici Grenoble vous propose le retour d'expériences de Sam, ancien co-animateur des Cafés paysans de Grenoble. Agriculteur bio et "potageur" depuis 15 ans, il n'y connaissait rien au départ. Il vous livre ses conclusions, avec des chiffres précis.

* * *

Dans l'imaginaire dominant, démarrer un potager bio semble fastidieux, prend beaucoup de temps et donne peu de résultats : ce loisir serait réservé aux passionné-e-s.

Pourtant, sur un petit potager de seulement 50 mètres carrés, il est possible de produire 200 à 300 kilos de légumes par an. De quoi nourrir 2 à 3 adultes en économisant 500 à 1 000 euros*.

Pour atteindre ce résultat, la première condition est de se concentrer sur des cultures relativement simples et productives : pommes de terre, courgettes, tomates, haricots verts, concombre, blettes, courges, oignons, betteraves, carottes et salades. Un seul mètre carré de potager peut produire 1 à 2 kilos d'haricots verts, 3 à 4 kilos de pommes de terre ou de carottes, 8 à 15 kilos de tomates ou de concombres.

La principale contrainte est bien sûr le temps. Chaque année, remettre en place un potager bio (préparer la terre, les semences et les semis) peut prendre 20 à 30 heures en février-mars. Puis un "petit marathon" démarre en avril : 30 minutes à 1 heure de travail par jour en moyenne, principalement pour le désherbage, l'entretien et l'arrosage, soit 100 à 150 heures jusqu'à fin septembre.

Vient ensuite le temps des récoltes et du "déjardinage" (rangement et mise en hivernage du potager), pour lesquels il faut compter 20 à 30 heures. Enfin, comptez une dizaine d'heures pour "nourrir la terre" (engrais verts, ajout de compost, feuilles mortes...) pendant l'hiver.

Au total, un petit potager bio représente 150 à 200 heures de travail par an. Un volume horaire qui peut fortement diminuer si vous améliorez votre organisation. Un système de goutte-à-goutte performant peut vous faire gagner 30 à 50 heures par an. Un simple outil de désherbage parfaitement adapté à votre morphologie et votre dextérité vous économise énormément de temps et d'efforts.

150 à 200 heures par an, ce chiffre peut faire peur. Et décourager par rapport aux 500 à 1 000 euros d'économies réalisées. Oui, c'est une réalité : dans notre société, livrer des colis amazon est bien plus "rentable" que de "travailler" dans un potager bio pour moins que le SMIC horaire. Pour l'instant en tout cas.

Mais si nous nous débarrassons de cette vision purement économique, nous voyons bien d'autres raisons de jardiner. Faire un potager, c'est produire des légumes savoureux, bien plus goûtus que les légumes d'épicerie souvent fades après des heures de transport et de stockage en frigo. Faire un potager, c'est vivre des moments de détente, tranquille au jardin, délasser son cerveau en activant ses mains, une sorte "d'agrothérapie" que connaissent bien celles et ceux qui ont le plaisir de potager.

Enfin, faire un potager, c'est ressentir le monde d'un peu plus près, se relier concrètement au climat, aux éléments, aux merveilles (et aux misères) des végétaux, des insectes, de la terre.

Deux conditions sont en revanche indispensables pour réussir un potager bio productif : il faut de l'eau en abondance, surtout au coeur de l'été. Et il faut de la ténacité, car les aventures potagères comportent des phases sacrément décourageantes : les aléas climatiques, la grêle, le gel ou les prédateurs peuvent faire de gros dégâts. Heureusement, d'excellentes surprises arrivent aussi : certains légumes produisent souvent au-delà de toute espérance.

À ce stade de lecture, vous avez sans doute plusieurs questions :

- Comment se lancer dans un potager bio quand on n'a aucune expérience agricole ?

Contrairement aux idées reçues, produire des légumes nécessite peu de savoirs. Il est possible de les acquérir rapidement et de plusieurs façons : passer du temps à observer ou aider un-e bon-ne jardinier-e, suivre méthodiquement d'excellents manuels de jardinage comme le Guide du potager bio des éditions Terre Vivante ou le Manuel des jardiniers sans moyen du centre Chenelet. Sans compter les tutoriels précis qui fourmillent sur internet.

Mais surtout, il faut se lancer, en commençant modestement. En ne produisant la première année que des pommes de terre, des haricots verts et des courgettes par exemple. Et se dire que même si on rate un peu ou beaucoup la première année, ce n'est pas grave, car on apprend beaucoup aussi.

- Comment faire quand on n'a pas de jardin ?

Quatre solutions s'offrent à vous : soit rejoindre un jardin partagé s'il en existe près de chez vous, soit rencontrer des voisin-es disposant d'un jardin inutilisé et leur présenter votre projet (la plupart refuseront, mais il n'est pas impossible de trouver des personnes que votre élan enthousiasme, en vous mettant d'accord sur des contreparties et des règles à respecter), soit chercher des terres agricoles (j'expliquerai les stratégies possibles dans un prochain article sur ici Grenoble), soit demander à la mairie de Grenoble de transformer une pelouse municipale en potager.

- Peut-on faire un potager et partir en vacances l'été ?

Au coeur de l'été, quand le jardin demande un arrosage chaque jour ou presque, partir nécessite d'avoir des voisin-e-s sympa, ou des systèmes de goutte-à-goutte fiables. Potager et grands voyages font rarement bon ménage...

- Faut-il une serre ?

Construire soi-même une petite serre dans un potager, c'est l'idéal, surtout pour le printemps et l'automne. Elle vous permettra de produire beaucoup plus tôt et beaucoup plus tard dans la saison. Et de réussir presque à coup sûr les tomates ou les concombres.

Pour terminer cet article, je vous propose un petit bilan chiffré de 15 ans de potager bio, avec l'estimation des productions et du temps passé, en moyenne, sur une surface de 50 mètres carrés complété d'une serre de 15 mètres carrés :

* Coûts moyens annuels

- Achat des semences : 50 à 150 euros
- Consommation d'eau : 50 à 150 euros (eau potable)
- Location du terrain : 50 euros
- Outillages divers : 50 à 100 euros
- Temps passé : 150 à 200 heures soit 1 300 à 1 900 euros équivalent SMIC

* Productions et économies annuelles (en se basant sur des prix moyens en magasin bio) :

- Pommes de terre : 30 à 40 kg, soit 60 à 80 euros (à partir de 5 à 10 kilos de semences)
- Tomates : 40 à 50 kg, soit 160 à 200 euros (à partir de 50 graines de tomates)
- Haricots verts : 15 à 25 kg, soit 120 à 200 euros (à partir d'1 kg de graines)
- Courges : 5 à 15 kg, soit 15 à 45 euros (à partir de 10 à 20 graines)
- Carottes : 30 à 50 kg, soit 60 à 100 euros (à partir de 500 à 1000 graines)
- Fraises : 5 à 10 kg, soit 50 à 100 euros (à partir de 30 plants)
- Framboises : 5 à 10 kg, soit 50 à 100 euros (à partir de 50 plants)
- Blettes : 20 à 30 kg de blettes, soit 40 à 60 euros (à partir de 50 graines)
- Oignons : 10 à 15 kg, soit 20 à 30 euros (à partir de 3 kg de bulbilles)
- Salades : 150 à 250 salades, soit 150 à 250 euros (à partir de 300 graines)
- Courgettes : 10 à 20 kg, soit 20 à 40 euros (à partir de 10 à 20 graines)
- Concombres : 5 à 10 kg, soit 15 à 30 euros (à partir de 10 à 15 graines)
- Frais de voiture et temps économisé pour moins acheter de légumes : 50 à 100 euros par an
- Bonne humeur et détente : 100 à 200 kg de poids en moins sur les épaules

Total = 180 à 280 kg de légumes, l'équivalent de 800 à 1 300 euros d'économies par an, soit 500 à 1 000 euros tous frais compris.

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