Survivre à Grenoble : Les illusions de l'autodéfense à mains nues

03/05/2024
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Voici le troisième épisode de la série Survivre à Grenoble, une série coordonnée par Lou, un Grenoblois se définissant comme survivaliste de gauche.

Après "Les points de ralliement" et "Se préparer aux flammes", Lou vous propose un topo sur l'autodéfense à mains nues, ses illusions les plus courantes et ses bases indispensables.

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Accrochez-vous, aujourd'hui nous attaquons un gros sujet, un savoir-faire polémique mais indispensable. Pour au moins trois raisons :

- Une raison d'entraide : vous marchez dans la rue, quand soudain un homme frappe ses enfants devant vous. Ou violente une femme. Ou attaque des passant-e-s à coups de couteau. Ces situations atroces ne vous arriveront peut-être qu'une fois dans votre vie. Mais face à un déchaînement de violence, ferez-vous partie de celles et ceux qui fuient, ou de celles et ceux qui portent secours ? Savoir comment neutraliser une personne à mains nues, ou au moins avoir un peu plus d'entrainement et de réflexes que la moyenne de la population peut nous aider à choisir plutôt que subir.

- Une raison politique : dans un pays qui compte désormais 10 à 12 millions d'électeurs d'extrême droite, plusieurs dizaines de milliers de militants racistes, masculinistes, islamophobes, homophobes et transphobes, pratiquer l'autodéfense me semble indispensable si vous êtes femme, noir-e, arabe, gay et/ou trans. Les fachos, eux, s'entraînent. En France comme aux États-Unis, une partie des stages de survivalisme sont en réalité des stages organisés par des activistes d'extrême droite pour s'entraîner "à tuer des noirs et des arabes".

- Une raison survivaliste : si une catastrophe nous plonge plusieurs mois dans le chaos, les élans d'entraide seront nombreux. Mais le niveau de violences montera aussi d'un cran. Face à une police et une armée complètement dépassées par les événements, l'impunité donnera des ailes aux gangs déjà armés et organisés. Elle fera aussi "sortir du bois" toutes les personnes habituées ou prédisposées à pratiquer la violence pour obtenir ce qu'elles veulent. Je pense notamment aux personnalités à tendance psychopathique, qui représenteraient 1 à 3% de la population. Égocentrées et manipulatrices, ces personnes ne connaissent ni la pitié, ni le remord, ni la culpabilité. Elles seront capables de tout pour parvenir à leurs fins : nourriture, médicaments, abri, relations sexuelles, etc.

Voilà pourquoi je pense que toute personne valide, et surtout les militant-e-s de gauche, devraient pratiquer l'autodéfense à mains nues, se spécialiser dans le maniement d'une arme blanche et connaître le fonctionnement des armes à feu (au moins pour savoir comment retirer toutes les munitions sans se blesser).

 

Aujourd'hui, commençons par l'autodéfense à mains nues.

Quelle autodéfense simple et efficace pratiquer, sans arme blanche, sans objets, juste avec son corps ? Une multitude de chaînes Youtube, de clubs et d'associations proposent des méthodes souvent différentes. L'autodéfense est un marché capitaliste, déjà pratiqué par des centaines de milliers de Français-es.

Comme dans tout marché, plein d'idées fausses et de techniques bidons circulent. Comment se repérer dans ce labyrinthe ? Voici mon avis tranché et mon expérience, à travers 5 mythes et 5 bases fondamentales de l'autodéfense.

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LES MYTHES DE L'AUTODÉFENSE À MAINS NUES

Depuis notre enfance, à travers les films, les jeux vidéos, ou pour certain-e-s la pratique d'arts martiaux tels que le judo ou l'aïkido, notre imaginaire est rempli de visions fortes mais fausses des agressions physiques. Se débarrasser de ces illusions est une première étape pour tendre vers une autodéfense simple et efficace.

 

1. Le mythe du duel loyal

Quand on pense à un affrontement physique, la première image qui nous vient est généralement celle d'un combat à un-e contre un-e, en face à face, avec un top départ du duel. Dans la vraie vie, la plupart des agressions sont menées par plusieurs personnes, par surprise, par embuscade ou par tromperie. Les agresseurs en sont rarement à leur coup d'essai. Ils ont déjà attaqué des personnes à plusieurs reprises, ils sont à l'aise avec la violence, ils connaissent le terrain et utilisent des armes blanches.

Pratiquer sérieusement l'autodéfense, c'est donc se préparer à des agressions vicieuses, par surprise, où tous les coups sont permis. Sur Youtube, des centaines de vidéos d'agressions dans la rue peuvent nous aider à prendre conscience de la brutalité d'un "vrai combat".

 

 

2. Le mythe du combat de 5 minutes

Notre imaginaire est peuplé de visions de combats durant plusieurs minutes, avec des stratégies, des phases intenses suivies de phases de récupération. La réalité est toute autre. Une agression ou un vrai combat de rue dure rarement plus de dix secondes avant qu'une personne tombe sonnée, blessée ou dans le coma. Le plus souvent, la première personne qui frappe un coup puissant à la tête gagne.

Comme nous allons le voir, se préparer à des combats de quelques secondes implique un entraînement physique et mental spécifique.

 

3. Le mythe du combat lucide

La plupart des arts martiaux nous enseignent des techniques et des enchaînements de gestes précis : "Je place mon bras là, je fais pivoter ma jambe comme ça, j'avance d'un pas, etc". Ces entraînements sont excellents pour se muscler, développer sa proprioception, acquérir certains réflexes. Mais ils supposent d'être lucide. Ce qui est rarement le cas lors d'un combat de rue.

Comment réagit notre corps face à une agression brutale et soudaine ? En général, notre rythme cardiaque passe de 70 à plus de 150 battements par minute en 2 ou 3 secondes. Une décharge massive d'hormones de stress se répand dans notre corps. Notre respiration se bloque, avec un sentiment de suffocation. Notre vue se brouille. Notre vision proche et périphérique se détériorent, comme si nous regardions dans un tube (effet tunnel). Notre audition diminue, pouvant allant jusqu'à la surdité temporaire. Nos mouvements sont ralentis ou imprécis, comme si nous étions compressé-e-s dans un étau vibrant. Nous recevons des coups mais nous ne savons pas exactement ce qui se passe, nous sommes désorienté-e-s.

Face à une telle décharge d'adrénaline, une grande variété de comportements irrationnels peuvent se produire. Le pire est d'être pétrifié-e : une tétanie involontaire souvent réactivée par un trauma du passé (viol, agression lors de la petite enfance, accident...). Certaines personnes sont tellement sidérées qu'elles adoptent sans le vouloir un comportement de soumission, obéissant à tous les ordres. Le vomissement, la vidange de la vessie ou de l'intestin peuvent se produire, notre corps redirigeant l'énergie loin des muscles non essentiels.

Bien sûr, tout le monde ne réagit pas de la même façon. Certaines personnes restent naturellement lucides et concentrées, quelle que soit la situation. Mais de manière générale, face à la surprise et au choc d'une agression, le stress nous fait défaillir, notre niveau de lucidité s'effondre, il devient très difficile d'adopter des techniques de combat complexes et précises.

 

 

4. Le mythe du plus fort gagne

Dans l'imaginaire dominant, les personnes les plus fortes au combat sont les personnes les plus musclées, les plus imposantes, les plus impressionnantes physiquement. Ce qui est vrai : une personne grande et musclée a plus de chances de repousser des agresseurs. Mais par l'effet de surprise, par de meilleures techniques de combat ou tout simplement par chance, même une personne petite et malingre peut tuer d'un seul coup bien placé un musclor dopé aux stéroïdes anabolisants. Il suffit d'une frappe intense dans la tempe, le menton, les yeux ou la glotte pour mettre à terre un athlète de 90 kilos. Il suffit d'un sol glissant pour faire trébucher le meilleur combattant, un poteau que l'on n'avait pas vu pour s'assommer en reculant, un tendon qui lâche au mauvais moment...

Se battre, c'est rentrer dans le monde de l'imprévisibilité et de l'incertitude. Quels que soient votre force et votre savoir-faire, rien n'est joué d'avance, le pire est possible. C'est la raison pour laquelle un-e bon-ne instructeur-e de self défense vous expliquera que la priorité est d'éviter de se battre à tout prix. Sauf si la situation l'exige, pour sauver votre vie ou secourir une personne.

 

5. Le mythe de la légitime défense inconditionnelle

Youtube fourmille de chaînes survivalistes ou de self défense nous expliquant que si une personne nous menace ou nous attrape par le cou, il est légitime de lui "exploser la cervelle". Ce discours peut également être entendu dans certains cours de self défense de l'agglomération grenobloise, où le virilisme et l'esthétisme de la violence règnent en maîtres. Ce n'est pas pour rien que les techniques de self défense les plus à la mode sont inspirées de doctrines américaines, russes ou israéliennes, des pays qui appliquent la peine de mort.

Ce rapport au monde imprégne d'ailleurs toute notre société : nous sommes habitué-e-s à regarder des films et des séries où les héros tuent des centaines de "méchants" sans se poser de questions. Même dans des films d'animation pour enfants.

Il faut pourtant rappeler que tuer quelqu'un-e est un acte gravissime. C'est un choc mental terrible si vous avez un minimum d'empathie, ne serait-ce que pour la famille et les proches. Une personne qui vous agresse mérite-t-elle forcément la mort ? C'est une question morale que toute personne pratiquant l'autodéfense doit se poser.

Au-delà des réflexions morales, l'autodéfense est aussi une question juridique. En France, la peine de mort est interdite. Se défendre implique de respecter la loi sur la légitime défense, basée sur le principe de riposte proportionnée. Si vous tuez votre agresseur, il faut prouver qu'il s'apprêtait à vous tuer.

En l'absence de témoins ou avec des témoins ayant intérêt à vous nuire, une situation de légitime défense peut s'avérer très compliquée à démontrer. Même si vous ne cassez que le bras de votre agresseur, si celui-ci porte plainte, prouver que votre réaction a été proportionnée n'est pas une mince affaire.

Aux réflexions morales et juridiques s'ajoutent des questions stratégiques : tuer votre agresseur peut vous exposer à des représailles de proches, quelques jours, quelques mois voire quelques années plus tard.

Pour corser le tout, répétons que tout combat est une incertitude. Dans la confusion, même si vous ne voulez pas porter un coup fatal, le risque de tuer des agresseurs sans le vouloir n'est pas négligeable. Être conscient-e de tous ces risques est fondamental quand on parle d'autodéfense.

 

Quelles conclusions tirer de tous ces mythes ?

Il faut se préparer à des agressions par surprise, à plusieurs, ne durant que quelques secondes, être capable de contrôler son stress, effrayer ou neutraliser vos agresseurs sans les tuer.

Comment résoudre une équation si complexe ?

 

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LES BASES DE L'AUTODÉFENSE À MAINS NUES

Entrons désormais dans le concret. Voici cinq axes d'entraînement, cinq "disciplines de vie" qui pourront sauver votre vie ou sauver des vies :

 

1. Organiser sa vigilance

Nous l'avons vu, la priorité d'une bonne doctrine de self défense est d'éviter tout combat. Il faut donc apprendre à repérer les situations à risque, pour augmenter ses chances de fuir, d'évacuer des personnes menacées ou de neutraliser des "ennemis" avant que l'agression démarre.

La première étape fondamentale, c'est donc d'observer attentivement son environnement. Un conseil apparemment banal, mais rarement pratiqué : il suffit de regarder la population dans les rues, les transports en commun ou les supermarchés. La plupart des personnes semblent "dans leur bulle", concentrées sur leur tâche, leur groupe d'ami-e-s, perdues dans leurs pensées ou scotchées sur leur smartphone.

Quels sont les réflexes à cultiver ? Toujours faire un tour d'horizon quand on arrive quelque part. Choisir les emplacements ou les itinéraires permettant une vue dégagée. Regarder régulièrement derrière soi. Ne pas être rivé-e sur son smartphone. Dans une pièce, se placer plutôt dos au mur, ou éviter d'avoir des personnes dans le dos. Localiser les sorties et ne pas trop s'en éloigner. Repérer au moins un objet possible pour se défendre. Essayer d'identifier une personne à qui vous demanderiez de l'aide en cas de problème. Surveiller bien sûr les personnes aux comportements nerveux ou aux regards agressifs. Écouter vos intuitions : votre cerveau analyse parfois des données qui ne vous sautent pas aux yeux du premier coup.

Attention tout particulièrement aux endroits apparemment vides et aux rues désertes. Attention aussi aux journées orageuses, ou lorsque le vent du sud souffle fort, ou les soirs de grands matchs de foot : toutes les ambiances "électriques" qui augmentent les risques que des personnes "pètent les plombs".

Bien sûr, il est impossible d'être tout le temps vigilant. Mais en s'entraînant au quotidien, on peut structurer sa vigilance de façon presque automatique : dès qu'on arrive quelque part, on observe attentivement les lieux et les gens, on repère les sorties, les objets disponibles, les personnes apparemment fiables et les personnes dont se méfier.

Cette vigilance constante est évidemment plus simple lorsqu'on se déplace en groupe : il est possible de faire tourner le rôle de "guetteur" ou de vigie. Comme les marmottes.

 

 

2. Apprendre à dissuader

La plupart des agresseurs sont à la recherche de proies faciles. Le seul fait de marcher d'un pas assuré, le regard présent et déterminé, conscient-e de sa force, peut suffir à décourager des prédateurs. Petit exercice pratique : s'entraîner à marcher en répétant ce mantra : "Je sais que je peux me faire agresser, je suis prêt-e à me défendre, je connais des coups puissants, si quelqu'un ose m'attaquer je serai un-e lion-ne".

À l'inverse, méfions-nous des jours où l'on se sent malade, diminué-e, moins lucide que d'ordinaire. Sans s'en rendre compte, notre démarche ou notre regard peuvent renvoyer une image de vulnérabilité.

Attention, je ne dis pas que les personnes agressées le sont forcément parce qu'elles renvoient une image trop faible d'elles-mêmes. Rien ne justifie une agression. Je dis juste que la première des dissuasions est l'image générale que l'on renvoie de soi, et qu'une image de puissance mentale ou physique augmente les chances d'éviter le pire.

Le second outil de dissuasion repose sur un mécanisme psychologique universel : un prédateur aura tendance à abandonner s'il sent que la victime va être particulièrement coriace. Par exemple si elle s'oppose fermement par un cri terrible. Encore un exercice pratique : s'entraîner à hurler le plus fort possible "Stop !", "Recule connard !", "Dégage !", avec un souffle qui vient du fond des tripes. Montrer votre rage peut suffir à faire fuir des agresseurs.

Comment se préparer à hurler ces cris en situation réelle ? Soit en s'approchant des conditions physiologiques d'une agression, soit par des techniques de visualisation.

Qui dit agression dit rythme cardiaque élevé et perte de repères. Dans les bons cours de self défense, on pratique régulièrement des combats après avoir sprinté plusieurs centaines de mètres, tourné plusieurs fois sur soi-même, réalisé deux ou trois séries de pompes, avec un gilet lesté ou des poids aux chevilles : le combat commence quand on dépasse les 150 battements par minute, les bras et les jambes tremblantes, avec un fort sentiment de désorientation, d'épuisement et de suffocation.

Seconde technique plus douce mais complémentaire : la visualisation, pratiquée dans de nombreux sports de haut niveau. Dans votre lit, au calme, il s'agit d'imaginer votre réaction à une agression, vous "voir" hurler de toutes vos forces, porter des coups, courir le plus vite possible. Peu à peu, en répétant régulièrement ces scènes et en détaillant de plus en plus précisément vos gestes, votre cerveau va s'habituer à dompter l'inconnu, à créer des circuits neuronaux adaptés, à cultiver des automatismes.

Un conseil important : si vous pensez avoir vécu des traumatismes vous faisant courir le risque d'être pétrifié-e lors d'une agression, je vous recommande vivement de consulter un-e psychologue ou un-e psychiatre.

Pour dissuader des agresseurs, faut-il aussi apprendre à négocier ? En général, un agresseur déterminé ne parle pas : il attaque par surprise. Un agresseur indécis, lui, cherchera d'abord à tester votre résistance, par des menaces, ou en brandissant une arme pour vous impressionner. Dans ce cas, une négociation est possible. Mais l'art de la négociation est un sujet vaste et complexe : j'y consacrerai un épisode spécial. Par défaut, face à un agresseur indécis, je vous recommande de fuir ou de frapper en premier.

 

 

3. Savoir appeler à l'aide

Ce conseil peut sembler évident. Et pourtant : on ne compte plus les faits divers où des personnes se font agresser dans une rue passante ou dans un métro bondé, sans que personne ne réagisse malgré les appels à l'aide de la victime. La plupart des gens sont effrayés, désemparés, pétrifiés ou dans le déni, comme si cela ne les concernait pas.

Comment briser ce phénomène de déresponsabilisation collective ? L'une des solutions consiste à ne pas appeler à l'aide de manière générale, mais appeler à l'aide de façon ciblée.

Concrètement, si vous avez le temps de réagir avant qu'une agression démarre ou après qu'une agression ait démarré, demandez de l'aide en vous adressant directement à une personne, en la regardant si possible dans les yeux et avec un ordre précis : "Monsieur, aidez-moi !",  "Madame, frappez-le sur la tête avec ce caillou !", "Monsieur, s'il vous plaît, utilisez l'extincteur près de vous !", "Toi, viens, on va neutraliser cet homme ensemble !".

On voit ici tout l'intérêt de repérer à l'avance des personnes qui vous semblent fiables en cas de gros problème.

Attention, n'oublions pas qu'un choc émotionnel s'accompagne souvent d'une perte d'audition soudaine : les gens peuvent ne pas entendre clairement ce que nous disons, même si nous crions fort. D'où l'importance d'attirer l'attention par des gestes simples et visuels : faire signer de venir, de taper ou d'appeler par exemple.

Cette technique d'appel à l'aide ciblé vaut évidemment pour toute situation d'urgence. En cas d'accident, face aux gens souvent désemparés, il est vital qu'une personne répartisse des fonctions d'urgence. Si personne ne prend ce rôle en mains, prenez-le : "Vous, Madame, appelez le 18 !", "Monsieur, signalez l'accident aux autres véhicules !" "Eh, toi, s'il te plaît, va vite chercher une couverture !", etc.

 

 

4. Maîtriser les quatre piliers de l'autodéfense

Nous voici dans le coeur de cet épisode. L'agression a démarré, il faut réagir. Un bon entraînement de self défense doit vous apprendre à maîtriser quatre actions précises, même à 150 battements par minute, sans se poser de questions :

- Enchainer trois coups simples, rapides et puissants : un ou deux coups à la tête, un ou deux coups sur le bas du corps. Pourquoi trois coups ? Pour espérer qu'au moins un coup passe. Faut-il viser les tempes, le menton, le nez, la gorge, les yeux ou les parties génitales ? Non : en situation réelle, les gestes précis sont impossibles. Il faut juste viser la tête et le bas du corps, en espérant qu'un coup va faire mouche. Quels coups choisir ? Low kick, coup de poing marteau, coup de genou, coup de coude, front kick, coup de pied écrasant ? À chacun-e de trouver une combinaison adaptée à sa morphologie et ses capacités, sa "botte secrète" que l'on sortira sans réfléchir. Et on répète ces trois coups en boucle, tant que l'agression continue, en frappant tous les agresseurs à notre portée.

- Esquiver : s'il est impossible de fuir et si les agresseurs ne sont pas encore sur nous, nous devons maîtriser l'art de l'esquive. Tout faire pour ne jamais être saisi-e ni touché-e. Bouger en permanence, pour déstabiliser l'adversaire. Ne jamais rester dans son axe. Garder les mains en l'air, pour protéger son visage et se préparer à parer un coup. Savoir se dégager immédiatement d'une étreinte, d'une saisie au cou ou au bras, par devant, par derrière ou sur le côté.

- Neutraliser : pour aider une personne agressée ou pour anticiper une agression, nous devons être capable d'assommer ou de neutraliser une personne rapidement, par une saisie au cou, par une clef de bras, ou par une gifle puissante au visage. N'oublions jamais que la personne qui attaque en premier a un énorme avantage.

- Fuir : cela peut paraître évident, mais c'est loin d'être facile quand le stress envahit tout notre corps. Nous devons être capable de courir quelques centaines de mètres, franchir des obstacles, grimper, même le souffle coupé. Ce qui implique de toujours s'habiller avec des habits et des chaussures permettant de courir et de sauter.

Comment réussir à maîtriser cet art des coups, de l'esquive, de la neutralisation et de la fuite en situation réelle ? Par un entrainement s'approchant des conditions réelles, par la visualisation et par la répétition inlassable des mêmes gestes. Des milliers de fois. Nous devons tout faire pour acquérir des réflexes conditionnés.

Pour cela, quel cours d'autodéfense choisir ? Par défaut, tout art martial est excellent pour apprendre à gérer le stress, la douleur, la fatigue, savoir porter des coups, se muscler, augmenter son endurance. Mais je vous recommande particulièrement le Krav Maga, le Penchak Silat et le Close Combat, pour le pragmatisme et l'efficacité des techniques proposées. Attention, les activistes d'extrême droite sont très présents dans ces formations.

[Ajout d'ici Grenoble : nous vous recommandons aussi les stages d'autodéfense féministe de l'association Ancrage, pour les femmes cis, les femmes trans, les personnes non-binaires et intersexes.]

Enfin, que faire si les agresseurs ont des armes blanches ? C'est un sujet compliqué, j'y consacrerai un épisode entier, en parlant aussi des objets urbains d'autodéfense. La mauvaise nouvelle, c'est qu'il est très difficile de parer et de ne pas être blessé-e face à un homme armé d'un couteau ou d'un cutter. La bonne nouvelle, c'est que si vous avez le temps de voir ces armes, c'est qu'une négociation est peut-être possible.

 

5. Réveiller notre primate

Les personnes qui pratiquent du sport de combat à très haut niveau le savent : nous avons en nous des ressources inimaginables. Des réflexes de survie qui peuvent nous amener à nous surpasser, réaliser des gestes que jamais nous n'aurions pensé être capables de faire. Des personnes qui continuent à se battre même après avoir reçu plusieurs coups de couteau, sans ressentir la douleur sur le moment. D'autres qui continuent de courir avec des balles dans le corps, galvanisées par la volonté de survivre. Chacun-e de nous a en soi ce "primate", qui peut se réveiller lors de situations extra-ordinaires.

Apprendre à réveiller notre primate est une technique difficile, qui passe généralement par des entraînements extrêmes et dangereux. Certaines personnes y arrivent spontanément. D'autres ne le trouveront sans doute jamais. N'étant pas expert de cette technique, je ne m'étendrai pas davantage. Elle pose par ailleurs des questions lourdes : réveiller notre primate est-il un premier pas vers la sauvagerie, une perte de contrôle total, le risque de commettre des massacres ? Jusqu'où sommes-nous prêt-e-s à aller si la survie de nos proches est en danger ?

À chacun-e de trouver ses réponses morales, politiques, mais aussi juridiques. Sachons en tout cas que nous pouvons avoir en nous, enfoui probablement dans notre "code génétique préhistorique", un sens inné de la survie, de l'art du combat et de la persévérance ultime. La capacité inimaginable de donner tout ce que nous avons pour s'extirper d'un danger, ou venir en aide à des personnes que nous aimons.

 

 

Vous êtes arrivé-e au bout de cet article ? C'est que le sujet vous parle profondément. Je vous encourage vivement à pratiquer l'autodéfense, dès maintenant !

À bientôt pour le prochain épisode...

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POUR ALLER (BEAUCOUP) PLUS LOIN

Comment acquérir de nombreuses techniques d'autodéfense sans passer par un club, en s'entraînant soi-même ou entre ami-e-s ? Une multitude de chaînes Youtube proposent des tutoriels souvent très bien faits. Malheureusement, ils sont la plupart du temps animés par des hommes virilistes, militaires ou para-militaires, de droite ou d'extrême droite, mysogines, narcissiques, souvent dopés aux stéroïdes anabolisants.

Pour la qualité de leurs explications, je vous recommande cependant :

- Penchak Silat : Les vidéos d'autodéfense de Franck Roppers. Je vous recommande par exemple La gifle en self défense, Les 4 frappes rapides, Les 3 frappes imparables, La saisie de poignée, Se libérer d'une étreinte, Les techniques de frappe efficaces, etc. À vous de fouiller dans ce vaste contenu ! L'approche de la nutrition de Franck Roppers et sa critique des stéroïdes anabolisants sont également instructives.

- Krav Maga : La chaîne Krav Maga Global France, avec une multitude de tutoriels. Et toutes les vidéos de Richard Douieb que vous trouverez sur le net.

- Close Combat : Ce sont des techniques militaires, donc peu diffusées sur le net. Il faut donc picorer sur Youtube...