Le Low-tech Lab de Grenoble

Documentation et promotion des technologies low-tech

La marmite norvégienne. Le mixeur à pédales. Le frigo du désert. Le bélier hydraulique. Le poêle de masse. Le point commun de toutes ces inventions ? Elles sont toutes considérées comme des low-tech.

Mais qu'est-ce qu'une low-tech exactement ? À quoi servent-elles ? Quelles sont les low-tech les plus géniales ?

Pour en savoir plus, le média ici Grenoble a interrogé Kévin Loesle, le président du Low-tech Lab de Grenoble :

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ici Grenoble : Pour commencer, c'est quoi une low-tech ?

Kévin Loesle : C'est l'opposé du high-tech, toutes ces technologies coûteuses, énergivores, industrielles, presque impossibles à réparer soi-même.

Le low-tech est une technologie qui doit être simple, durable et accessible. Elle doit répondre à des besoins essentiels, comme l'alimentation, le logement ou l'énergie. Elle doit être robuste et facilement réparable, avec des matériaux naturels ou recyclés. Elle doit être bon marché, pour être accessible à un maximum de gens.

Au-delà des systèmes techniques, c'est aussi et avant tout une démarche et une philosophie : celles de tendre vers la simplicité.

Ça fait penser au concept du Do It Yourself.

Oui, c'est une incitation à se réapproprier des objets du quotidien, à les fabriquer soi-même, à partir de pièces détachées ou de composants simples.

Comment avez-vous découvert le low-tech ?

En 2015, quand j'ai découvert le livre L'âge des low-tech de Philippe Bihouix. Ça m'a passionné. Quelques temps plus tard, ma soeur m'a parlé du Low-tech Lab. Depuis 2013, cette association recherche, teste et documente des technologies low-tech. Elle en a répertorié des dizaines en France et dans le monde. Elles sont toutes expliquées en détail et diffusées en open-source sur le site du Low-tech Lab.

Quelles low-tech trouvez-vous les plus géniales ?

J'aime beaucoup les low-tech très simples, celles qui questionnent le plus nos dépenses énergétiques actuelles. La marmite norvégienne par exemple. Cette marmite permet de continuer une cuisson sans énergie, simplement en isolant une casserole et en profitant ainsi de toute la chaleur emmagasinée par les aliments et leur contenant. C'est tout simplement génial.

J'aime bien le garde-manger aussi. Il permet de conserver la plupart des fruits et légumes de manière totalement passive, sans frigo. On range par exemple les carottes et les poireaux dans un bac à sable. Et contrairement à un frigo, cette technique préserve les qualités nutritives.

Une version documentée du garde-manger existe d'ailleurs sous le nom de Biceps Cultivatus, avec plusieurs modules intégrés à la cuisine, pour transformer les aliments et les composter.

Concrètement, que fait le Low-tech Lab à Grenoble ?

Notre but, c'est de développer la résilience collective dans l'agglo, en diffusant des savoirs et des techniques simples et accessibles. Concrètement, nous organisons des ateliers pour apprendre à construire des low-tech, nous tenons des stands pour faire connaître le concept de low-tech, nous aménageons notre nouveau local dans le quartier de l'Abbaye.

Cet été, nous avons aussi organisé le "Low-tech Tour Grenoble 2019" : une expédition à vélo aux alentours de Grenoble. Nous avons visité trois lieux en Chartreuse, en Belledonne et dans le Vercors, pour rencontrer trois personnes qui vivent au quotidien avec des low-tech, pour les questionner sur leur mode de vie, se former et documenter ces technologies.

Le mois dernier, nous avons aussi accueilli le premier rassemblement de toute la communauté Low-tech Lab de France : des porteurs de projet de Paris, Bordeaux, Marseille, l'équipe du Low-tech Lab qui est basée à Concarneau en Bretagne, et les membres du Low-tech Lab Grenoble pour échanger, construire ensemble les bases ce cette grande aventure. Nous avons notamment réfléchi aux différentes formes de gouvernances et de modèles économiques que la communauté va pouvoir adopter.

Combien êtes-vous à Grenoble ?

Nous sommes une quarantaine de membres actifs, en grande partie ingénieur·e·s. Mais nous sommes très friands de profils différents au sein du groupe. Nous sommes la plus grande communauté locale Low-tech Lab en France.

Quels sont vos projets pour l'année à venir ?

Notre tout nouveau local va pas mal changer la donne : nous allons pouvoir héberger régulièrement des ateliers pour former nos membres, afin qu'ils et elles puissent à leur tour former des citoyen-ne-s lors des événements auxquels nous participons. Nous allons aussi préparer la nouvelle édition du Low-tech Tour Grenoble à vélo, pour l'été 2020.

Parallèlement, notre vice-président et doyen de l'association, Martial ou "Papy" comme on l'appelle affectueusement, est en train d'acquérir un terrain pour y construire une Tiny-House : une petite habitation où nous allons pouvoir expérimenter et intégrer plusieurs low-tech conséquentes, comme un chauffe-eau solaire, un chauffe-air solaire, un poêle de masse. Ce projet est à l'image de ce qui a été fait par les copains du Low-tech Lab au sein du projet En quête d'un habitat durable.

Cette année, nous souhaitons aussi développer des modules de cours autour des low-tech, à l'Université et dans les écoles d'ingénieur, où la demande est forte de la part des élèves et de certains professeurs.

Les écoles d'ingénieur et l'Université sont demandeuses de cours sur les low-tech ?

On se heurte encore à quelques blocages. Les low-tech ont parfois une image de solutions bricolées et peu techniques, donc incompatibles avec le métier d'ingénieur par exemple. C'est regrettable. Au contraire, nous pensons qu'on peut utiliser de hauts niveaux de connaissances pour réussir à concevoir et à construire des solutions utiles, durables et accessibles au plus grand nombre.

Mais nous commençons à trouver plusieurs oreilles attentives au sein de la communauté scientifique et du monde de la recherche à Grenoble.

La découverte du low-tech a-t-elle modifié votre façon de voir le monde, vos choix de vie, votre activité professionnelle ?

Oui, clairement. J'ai découvert le low-tech alors que je finissais mon école d'ingénieur, la Grenoble INP-ENSE3. Je pense que c'est une chance, car je n'ai pas été face au dilemme de me lancer dans le monde professionnel industriel "classique", et ensuite d'entamer une quête de sens dans mon métier. J'ai pu directement orienter mes choix en me rapprochant de la voie que je voulais explorer.

J'ai tout de même passé deux ans comme chef de projet innovation autour des ressources limitées et low-tech à Ideas Laboratory. Mais il y a un an, j'ai décidé de reprendre mon statut d'auto-entrepreneur, pour me libérer un maximum de temps pour monter et animer le Low-tech Lab Grenoble.

Parallèlement je travaille avec une compagnie artistique, Organic Orchestra. Nous préparons Oniri, une création musicale, visuelle et narrative en autonomie énergétique, pour l'an prochain.

Pensez-vous que la promotion des low-tech peut empêcher le désastre climatique en cours ?

Les low-tech pour empêcher le désastre climatique en cours ? Je ne sais pas. Le limiter, sûrement. Et surtout, elles peuvent améliorer la qualité de vie de nombreuses personnes, qui pourraient bénéficier des low-tech mais qui n'en ont pas encore connaissance.

Avez-vous également des espoirs dans des luttes politiques ?

Je pense que les luttes sont tout autant nécessaires que la réflexion et l'expérimentation d'alternatives. Les luttes ne suffiront sans doute pas à empêcher le désastre climatique en cours, mais elles peuvent le limiter et en faire parler.

Êtes-vous engagé dans une organisation politique ?

Je ne suis pas engagé dans une organisation politique. Mais j'essaye de me tenir au courant des actions locales et nationales du groupe Extinction Rebellion.

Les low-tech combattent l'obsolescence programmée, la dépendance aux industriels, le gaspillage énergétique. Elles font la promotion de l'autonomie, de la sobriété et de la réutilisation... Diriez-vous que les low-tech sont anticapitalistes ?

Dans la définition du capitalisme, le seul élément selon moi qui oppose la philosophie low-tech à ce système est la propriété privée, prise spécifiquement sous l'angle de la propriété intellectuelle. Le low-tech a la particularité d'être totalement open-source.

Ensuite, on peut bien sûr discuter aussi des dérives récentes issues du capitalisme, comme le productivisme à outrance et la recherche de profits sans se soucier de l'utilité des produits, ni de leur durabilité, qui sont des éléments clés des low-tech.

Quel livre et quel film conseilleriez-vous pour découvrir les low tech ?

Pour une approche globale des low-tech, sur les enjeux autour des ressources et de l'énergie, je conseille le livre L'âge des low-tech de Philippe Bihouix.

Pour découvrir les low-tech sous l'angle d'une très chouette aventure humaine, ARTE a réalisé toute une série documentaire sur l'expédition Nomade des Mers, disponible sur leur site. C'est un peu le Waterworld contemporain, avec Corentin à la place de Kevin Costner, et sans les explosions.

Il y a aussi le hors-série du magazine Socialter dédié 100% au low-tech, qui n'est plus en kiosque mais qui devrait être disponible en format numérique.

Enfin, bien sûr, je vous recommande le site web du Low-tech Lab, sur lequel on peut retrouver tous les tutoriels qui présentent les low-tech.

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Pour aller plus loin, 10 exemples de low-tech :

Le chauffe-eau solaire

Le frigo du désert

Le cuiseur solaire

Les toilettes sèches

L'attrape nuages

La marmite norvégienne

Les conserves lactofermentées

Le bélier hydraulique

La machine à laver à pédales

Le mixeur à pédales

Coordonnées

48, avenue Washington
38100 Grenoble
lowtechlab.org

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