Que risque Grenoble si la centrale nucléaire du Bugey explose ?
Si une catastrophe survient à la centrale nucléaire du Bugey, l'une des plus proches de Grenoble, où se déposeront les retombées radioactives ? Avec quelles conséquences sur les populations ?
C'est la question à laquelle tente de répondre une étude publiée en 2019 par l’institut Biosphère de Genève, commanditée par l’association Sortir du nucléaire Suisse Romande, avec le soutien des villes de Genève et de Neuchâtel.
En s’appuyant sur des données réelles de l’année 2017, cette étude modélise la trajectoire et la dispersion des retombées radioactives en cas d’accident à la centrale du Bugey ou dans l'une des centrales nucléaires Suisse, selon les différentes conditions météorologiques possibles le jour où surviendrait l’accident.
Sur la base de ces informations, l'étude quantifie le nombre de personnes à évacuer et tente d’estimer les conséquences sanitaires à prévoir.
Les résultats sont effrayants.
Pour consulter l'étude complète (en anglais, mais avec de nombreuses cartes compréhensibles), c'est ici.
Pour consulter une synthèse de cette étude en Français, c'est ici.
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Et le réacteur nucléaire de Grenoble ?
Grenoble fait partie des rares villes du monde qui accueille, à deux kilomètres de son centre-ville, un réacteur nucléaire. Oui, un vrai réacteur, comme dans les centrales nucléaires, mais en plus petit. Sur la presqu'île scientifique, au bord du Drac et de l'Isère, le réacteur de recherches de l'Institut Laüe Langevin (ILL) produit les flux de neutrons les plus puissants du monde, en particulier pour le Synchrotron.
Comparée aux centrales nucléaires d'EDF, la centrale de l'ILL paraît négligeable : un réacteur du Bugey produit 900 mégawatts, celui de Grenoble seulement 58. Mais comme toutes les centrales nucléaires, celle de Grenoble est vulnérable à la pire catastrophe qui soit : la fusion du coeur du réacteur. Et comme toutes les installations à haut risque, le réacteur nucléaire dispose d'un Plan Particulier d'Intervention : les mesures d'urgence prévues par les autorités en cas de catastrophe.
En cas d'accident nucléaire à Grenoble, que prévoit le plan d'urgence officiel ?
En théorie, le Plan Particulier d'Intervention de l'ILL est consultable dans les mairies de Grenoble et de Fontaine. La première fois qu'Ici Grenoble a souhaité lire ce document, le service d'accueil de la mairie de Grenoble, surpris par notre démarche, nous a dirigé vers le service urbanisme. Le service urbanisme nous a redirigé vers le service sécurité. Le service sécurité, étonné par notre demande, a préféré contacter les services de la préfecture avant de nous répondre. Manifestement, nous étions les premiers et les premières à demander l'accès à ce document, que nous avons enfin pu consulter lors d'un second rendez-vous.
Que contient donc ce fameux plan d'intervention ?
Le rapport auquel nous avons eu accès date de 2006. Il fait seulement 38 pages. Il nous a consterné.
Trois situations accidentelles sont étudiées : La chute d'un avion sur le réacteur, libérant instantanément d'importantes quantités radioactives ; La fusion du réacteur suite à une défaillance matérielle et/ou humaine ; Un incendie faisant exploser le stock de deutérium du réacteur.
Les effets officiels de ces catastrophes ? Une contamination sur un périmètre de 500 mètres maximum. Aucune prise en compte des vents, des rejets dans le Drac et l'Isère, des précipitations, des ruissellements, des infiltrations, des dommages collatéraux dans la zone du CEA.
Les mesures d'urgences prévues ? La population sera avertie par une sirène d'une portée de 800 mètres, si cette sirène fonctionne toujours après l'explosion puisqu'elle est située dans la zone de l'ILL. Les 3000 à 4000 personnes habitant ou travaillant dans le périmètre des 300 mètres seront évacuées. Les 4000 à 5000 personnes habitant ou travaillant dans la zone des 300 à 500 mètres seront encouragées à se "mettre à l'abri". Toutes seront incitées à consommer des pastilles d'iode, distribuées gratuitement dans les pharmacies environnantes. La zone des 500 mètres sera ensuite bouclée par les forces de l'ordre.
Aucun mot sur les probables mouvements de panique, en particulier sur l'A480 et les axes environnants, sur le chaos plausible au sein du CEA et au-delà, sur les difficultés pour les pompiers et les militaires, dans ces conditions, de rejoindre les zones contaminées. Aucun mot sur d'autres sources de catastrophes possibles : un séisme de magnitude exceptionnelle, une vague de plusieurs mètres suite à la rupture du barrage de Monteynard, ou encore un assaut "terroriste". Aucun mot, enfin, sur un accident lors du transport des matières radioactives pour l'alimentation du réacteur.
Certains de ces risques sont cependant détaillés sur le site internet de l'ILL, où les ingénieurs présentent les parades théoriques mises en place, de manière scientifique mais non exhaustive. D'autres sont présentés sur le site internet de l'Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), qui exige de nouveaux aménagements de sécurité à l'ILL suite à la catastrophe de Fukushima.
L'un des récents aménagements demandé par l'ASN est un système de pompage de la nappe phréatique sous l'installation nucléaire, une "source de refroidissement ultime capable de résister aux agressions externes extrêmes, en particulier au cumul d’un séisme et d’une inondation provoquée par la rupture de barrages sur le Drac".
Le réacteur nucléaire de l'ILL a été mis en service en 1971. Il n'a connu aucun accident majeur en 46 ans, seulement des incidents. Qui, à Grenoble, connaît précisément ce réacteur, et ce qui est prévu en cas de catastrophe ? En attendant une information à large échelle puis un vrai débat public sur l'existence de ce réacteur nucléaire au coeur de Grenoble, nous espérons que nous ne connaîtrons jamais de Grenoblishima.
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Si vous voulez en savoir plus, si vous souhaitez lutter contre le nucléaire en général et contre le réacteur de l'ILL en particulier, le réseau Sortir du Nucléaire Isère organise régulièrement des réunions à la Maison des associations de Grenoble.
Précisons qu'en cas de contamination nucléaire dans l'agglomération, la seule balise de mesure de la radioactivité indépendante de l'État et d'EDF est installée à Échirolles, gérée par la CRIIRAD.
Enfin, si vous souhaitez savoir ce qui se passe à Fukushima depuis le 11 mars 2011, prendre conscience du chaos social, économique et sanitaire que représente une catastrope nucléaire, nous vous recommandons le dossier spécial de Médiapart, réactualisé régulièrement, et la chronologie détaillée de la revue S!lence.
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Rappelons également qu'en 2018, suite à une série d'infractions au réacteur nucléaire de l'Institut Laüe Langevin (ILL), le Réseau Sortir du Nucléaire et l'association Sortir du Nucléaire Isère avaient lancé une action en Justice.
Voici le communiqué expliquant la situation, puis l'enquête d'Ici Grenoble sur les failles du plan de sécurité du réacteur en cas de catastrophe nucléaire :
"L’Institut Laüe Langevin (ILL), organisme de recherche internationale, abrite un réacteur à haut flux neutronique (RHF) de 57 mégawatts, à eau lourde, qui produit des faisceaux de neutrons thermiques très intenses destinés à la recherche fondamentale, notamment dans les domaines de la physique du solide, de la physique neutronique et de la biologie moléculaire. Le RHF constitue l’INB (Installation Nucléaire de Base) n° 67 et accueille sur son périmètre l’EMBL (European Molecular Biology), laboratoire de recherche internationale en biologie. Cette INB composée d’environ 500 personnes occupe une surface de 12 ha, située entre l’Isère et le Drac, juste en amont du confluent, à proximité du CEA Grenoble.
À la suite d’une demande de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), des travaux importants de renforcement de la tenue aux séismes du RHF ont été mis en œuvre ces dernières années. L’installation de détritiation, située à proximité de l’ILL, est définitivement arrêtée, l’exploitant ayant décidé de confier la détritiation de l’eau lourde à une entreprise canadienne.
Dans son appréciation 2016, l’ASN attend un renforcement de l’organisation de l’ILL au regard des exigences de la réglementation. Elle attend de l’ILL qu’il analyse et utilise davantage le retour d’expérience pour améliorer son organisation et ses pratiques, en particulier à partir des événements significatifs déclarés, des observations et demandes formulées par l’ASN à l’issue des inspections, ou dans le cadre des bilans annuels relatifs à la sûreté, à l’environnement et à la radioprotection.
L’ASN a relevé que l’organisation actuelle de l’exploitant ne lui permet pas de répondre à l’ensemble des exigences concernant la gestion des écarts, la détection des événements et le système de gestion intégré (SGI) telles que précisées par l’arrêté du 7 février 2012.
Le 19 mai 2017, un évènement significatif pour la sûreté a été déclaré à l’ASN suite au blocage d’un élément combustible usé dans sa hotte de manutention lors de son transfert dans la piscine du réacteur à haut flux de l’ILL : cet évènement mal géré par l’exploitant a fait apparaître qu’un certain nombre de risques n’étaient pas pris en compte dans la démonstration de sûreté de l’installation.
En outre, une inspection de l’ASN en date du 19 juillet 2017 a porté sur la vérification du respect des exigences règlementaires relatives aux modifications matérielles de l’exploitant. Les inspecteurs ont notamment vérifié les dispositions de l’article 26 du décret n° 2007-1557 du 2 novembre 2007 relatif aux installations nucléaires de base et au contrôle, en matière de sûreté nucléaire, du transport de substances radioactives et se sont intéressés à la manière dont l’exploitant préparait et réalisait les opérations de modifications. Les conclusions de l’inspection sont sans appel et ne sont pas satisfaisantes, au point que l’ILL a été mis en demeure par l’ASN de se conformer à la réglementation par décision n° 2018-DC-0623 du 6 février 2018 (sous 4 mois => 6 juin 2018).
Enfin, un autre rapport d’inspection de l’ASN en date 9 février 2018 a fait apparaître que les travaux de réfection de rétentions associées à des capacités d’entreposage d’acide nitrique, de potasse et d’effluents radioactifs n’avaient pas été réalisés selon les règles prévues par l’arrêté du 7 février 2012.
Il convient de noter également que l’article L. 125-17 du Code de l’environnement prévoit qu’une commission locale d’information (CLI) est instituée auprès de tout site comprenant une ou plusieurs installations nucléaires de base et que celle-ci doit organiser, au moins une fois par an, une réunion publique ouverte à tous. Or, il semble qu’une telle réunion n’ait jamais été organisée concernant la CLI ILL-CEA.
Précisons également que cette dernière semble également faire fi du décret n° 2008-251 du 12 mars 2008 qui prévoit notamment que la commission locale d’information doit être réunie en séance plénière, sur convocation de son président, au moins deux fois par an et qu’un rapport d’activité doit être fait chaque année et rendu public.
Le 30 mars 2018, les associations Réseau "Sortir du nucléaire" et Sortir du Nucléaire Isère ont donc porté plainte contre l’Institut Laue Langevin (ILL), exploitant personne morale du réacteur à haut flux (RHF) situé à Grenoble, et contre Helmut Schober, directeur personne physique de l’ILL, pour exploitation de l’installation en violation du Code de l’environnement et de la réglementation relative aux installations nucléaires de base."
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