Aux rebelles de la Buisserate

10/11/2020
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Il y un an, le 2 novembre 2020, en plein confinement et sous forte protection policière, les jardins ouvriers et partagés de la Buisserate étaient brutalement rasés.

Sept manifestant-e-s étaient arrêté-e-s en tentant de s'opposer au chantier. Qui s'ajoutaient aux sept des semaines précédentes.

Une pensée et des mercis à celles et ceux qui se sont battu-e-s pendant tous ces mois pour tenter d'imposer une autre logique que celle du profit et de la bétonisation.

Que s'est-il passé précisément et qui a détruit les jardins ?

Voici le récit du collectif Avenir des terres Isère publié le 9 novembre 2020 :

"La destruction des jardins de la Buisserate a commencé il y a une semaine maintenant. La perte est immense. 5000m² de terres cultivables, 35 arbres fruitiers et un espace de vie collective ont disparu.

En l’espace d’une semaine, ce qui était un grand jardin au milieu des immeubles est devenu un espace à rentabiliser au maximum pour le profit de grosses entreprises.

Nous en témoignons dans le récit suivant, et rappelons qui sont les responsables de ce désastre écologique et social.



UN TERRASSEMENT OPPORTUNÉMENT DÉPLACÉ

Lundi 2 novembre au matin, la destruction des jardins à commencé. Ce n’était pas inattendu : les défenseurs des jardins alertaient depuis plusieurs mois sur le risque de terrassement, suite à la parution de l’appel d’offre de l’OPAC38.

Déjà, une dizaine de jours plus tôt, le lundi 11 octobre, alors que le rassemblement des épouvantails se tenait devant le conseil municipal de Saint-Martin-le-Vinoux, une information annonçant le début du chantier le lendemain avait fuité. Une vingtaine de personnes étaient venues à 6h30 du matin pour bloquer les destructions. L’entreprise de terrassement, probablement prévenue par les vigiles surveillant les jardins 24h sur 24, n’était pas venue ; seule une voiture de chantier avait fait plusieurs passages.
Le confinement, qui s’annonçait déjà, offrirait de bien meilleures conditions pour détruire un jardin si bien défendu au milieu d’un quartier populaire…

Lundi 2 novembre, donc, lorsque le tractopelle entre sur le jardin et commence à déraciner les arbres, des voisin.e.s des jardins sonnent l’alerte : la destruction a commencé. Mais cette fois, les promoteurs ont une arme pour mener à bien leur destruction : le confinement.

Instauré pour éviter la propagation du Covid, il devient une arme pour empêcher toute contestation. La police, brutale, menace les voisin.e.s pourtant munie.s d’attestations et les somme de rentrer chez eux. Dans ce quartier populaire où on ne roule pas sur l’or, une menace de 135 euros d’amende, ça n’est pas rien.

Pourtant, certain.e.s insistent et restent sur place, mais sont impuissant.e.s face à la destruction. Des personnes arrivent en soutien, accrochent des banderoles, mais pour la police c’est trop : deux personnes sont gazées et des amendes distribuées. Celles qui ne donnent pas leur identité sont plaquées contre un grillage, fouillées et embarquées en garde à vue. Elles ressortiront 7 heures plus tard sous X, sans avoir donné d’identité.

LA MARCHANDISATION DE LA NATURE EN MARCHE

Sur les jardins, la destruction est allée vite. À la fin de la matinée, quasiment tous les arbres fruitiers ont été déracinés et mis en tas, comme des déchets.

Après avoir arraché les arbres et retourné la terre, des tractopelles la chargent dans des camions. Elle a été vendue. C’est de la bonne terre, jamais urbanisée, fertile, c’est ce qu’on dit depuis le début. Pour nous cette terre a de la valeur car c’est un bout d’autonomie alimentaire en ville, où l’on faisait pousser des plantes, fruits, légumes, mais aussi de la convivialité et de l’entraide. Pour la mairie, propriétaire du terrain, et les promoteurs, cette terre a de la valeur parce qu’elle a un prix de vente sur le marché.

En parallèle de l’enlèvement de la terre, l’artificialisation des sols commence. Aux jardins, la nappe phréatique est à seulement quelques mètres sous terre, ce qui faisait le bonheur des plantes, potagers et arbres fruitiers. Pour les entreprises de terrassement, cette abondance en eau devient un problème vite résolu : un film blanc est déposé sur la terre arasée puis recouvert d’une autre couche de terre. Il empêchera l’eau de remonter sous les constructions.

Des façades d’immeubles végétalisées pourront-elles vraiment compenser cette perte ?

COLÈRE ET RESPONSABILITÉS

Dans le quartier, les gens sont choqués par la destruction brutale des jardins, et la colère grandit. Les ouvriers, occupés à achever le terrassement, sont pris à partie par les voisin.e.s et se font même insulter à l’occasion. Ce jardin, certain.e.s le fréquentaient depuis l’enfance et avaient l’habitude d’en cueillir les fruits. C’était le dernier espace de nature du quartier, vendu à un promoteur et détruit pour laisser place à plus de béton.

Mais si la colère des voisin.e.s est compréhensible et légitime devant cette perte immense, il ne faut pas se tromper de coupable. Les responsables de cette destruction sont des élu.e.s siégeant dans des organismes publics et des salarié.e.s haut placés, certainement pas les ouvriers du chantier.

Il faut ici rappeler les responsables de ce désastre :

– L’ancien maire de Saint-Martin-le-Vinoux, Yannick Ollivier, également délégué à l’urbanisme à la Métropole de Grenoble. Bien qu’il connaisse la richesse du lieu, en 2017, avec son adjointe Mme Abbatista, il fait voter une délibération en Conseil Municipal pour que le terrain ne soit plus classé au PLU comme « emplacement réservé à vocation de loisir de proximité », mais devienne dans le futur PLUI une « zone à urbaniser ». Ensuite, il signe une promesse de vente à la Cogedim et lui accorde le permis de construire 4 immeubles.

– Le nouveau maire de Saint Martin le Vinoux, Sylvain Laval, qui s’est toujours prononcé en faveur du projet immobilier depuis son élection en 2020, et n’a jamais ne serait-ce qu’envisagé de réunir les différents acteurs publics et privés du projet pour discuter de sa remise en question.

– Le bailleur social Alpes Isère Habitat (ex OPAC38), qui construit deux des quatre immeubles et a commandité le terrassement.

– Le promoteur Cogedim, qui est à l’origine de ce projet immobilier lucratif.

– La Métropole de Grenoble, qui enchaine les coups de comm « verts » et « durables », mais a soigneusement ignoré les alertes des habitant.e.s et des associations de protection de l’environnement mobilisées.

– Enfin l’État, qui à l’issue du premier confinement a acheté tous les logements que la Cogedim ne parvenait pas à vendre, via la Caisse des Dépôts et Consignations, permettant au projet immobilier de démarrer. Censé relancer l’activité économique après le confinement, ce cadeau au promoteur a surtout permis la destruction d’un espace naturel unique.

Aux jardins de la Buisserate, les acteurs privés et publics sont allés au bout des logiques capitalistes qui les guident. Dans cette démarche, ils ont eu le soutien de la police et de la justice qui, au fur-et-à-mesure que la mobilisation grandissait, ont dégainé leur arsenal répressif : menaces, contrôles et fouilles arbitraires, gardes à vues, instruction et contrôles judiciaires pour certain.e.s.

Les jardins sont détruits, et la population est privée de ce qui était un bien commun d’une valeur inestimable, mais on veille toujours !"

* * *

Vous n'avez jamais entendu parler de la lutte pour sauver les jardins partagés de la Buisserate de Saint-Martin-le-Vinoux ?

Voici une nouvelle petite bande dessinée qui explique l'histoire de ces jardins et les enjeux de cette lutte :

 

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