Enquête : ST Micro arme la Russie ?

Selon une nouvelle enquête du média Blast, les entreprises iséroises STMicroelectronics et Lynred (ancienne start-up du CEA-Léti) continuent de livrer du matériel de guerre à la Russie, malgré l’embargo.
Rien qu'entre janvier et avril 2023, le média Blast dénombre plus de 5 000 déclarations portant sur des importations russes de matériel fabriqué par STMicroelectronics, pour un total de 29,5 millions de dollars. Des composants siglés Lynred auraient également été livrés à la Russie à neuf reprises, entre mars et avril 2023.
Les deux entreprises passeraient par des sociétés étrangères, en particulier chinoises, pour contourner l'embargo. Une grande partie de matériels made in France continuerait donc de franchir la frontière pour alimenter l’effort de guerre de Poutine, et ce malgré les discours et les promesses du gouvernement.
Quel type de matériels exactement ? Quelles sont les preuves de ces révélations ? Que répondent ST Micro et Lynred face aux accusations ?
Pour comprendre la situation, nous vous recommandons :
- L'enquête du média Blast : Russian Papers, invasion sous perfusion française
- Les précisions de l'Observatoire des armements : STMicroelectronics et Lynred continuent de contourner l’embargo sur la Russie en 2023
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LA PRÉCÉDENTE ENQUÊTE DU MÉDIA DISCLOSE
Selon une enquête du média Disclose en 2022, la société Sofradir (ancienne start-up du CEA-Léti, désormais Lynred) basée à Veurey-Voroize "a vendu des caméras infrarouges pour 5,2 millions d'euros à la Russie en octobre 2012. Quatre ans plus tard, Sofradir devait encore livrer 258 détecteurs infrarouges à une société russe de défense", c'est-à-dire deux ans après l'embargo de 2014 interdisant la vente d'armes à la Russie.
Interrogée par le Dauphiné Libéré, la société Lynred (codétenue par les groupes Thalès et Safran) affirme qu'aucun contrat n'a été passé avec la Russie depuis 2014. Mais de son côté, le Ministère des Armées précise "qu'un contrat conclu avant l'annexion de la Crimée peut aller à son terme et les livraisons d'équipements achetés avant 2014 peuvent être poursuivies."
Sur son site internet, Lynred promeut ses solutions technologiques pour la guerre : "L'usage de l'imagerie thermique est devenu indispensable au quotidien. Elle apporte un avantage décisif aux unités en étendant leur capacité de renseignement et d'intervention. Ainsi, les jumelles, les monoculaires, les viseurs de fusil ou les clip-on sur casque dotés d'une vision thermique assistent le soldat dans l'action en confirmant avec précision la présence de menaces."
Rappelons que la France est le troisième pays le plus exporteur d'armes dans le monde. En 2020, Lynred affichait un chiffre d'affaires supérieur à 230 millions d'euros, dont 85% à l'exportation. Bénéficiant des subventions du plan "Nano 2022", l'entreprise a reçu plus de 600 000 euros d'aide de la Métropole en 2020 et 2021.
Sources : Dauphiné Libéré, 16/03/2022 et Disclose, 14/03/2022