Arlequin démolie ? L'analyse du DAL

24/11/2022
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À la Villeneuve de Grenoble, les travaux de démolition du 20 galerie de l'Arlequin ont débuté.

Cette démolition était-elle nécessaire ? Que sont devenu-e-s les locataires ? Quelles étaient les autres solutions ?

Voici une analyse précise et poignante du Droit Au Logement Isère Isère :

"La semaine dernière, la démolition du 20 galerie de l'Arlequin a débuté, plus de 10 ans après le départ des premiers locataires de l'immeuble.

10 ans que ces 191 logements ne sont plus loués, alors que des milliers de familles attendent un logement social.

Vides comme 3 200 autres logements HLM en Isère.

Pendant 10 ans, les locataires et particulièrement l'association des résidents 10-20 Arlequin rejoint par DAL38 et le collectif contre les démolitions imposées se sont mobilisés contre ce projet absurde :
- Car c'était chez eux, et qu'on les a forcé à partir vers des logements plus petits, plus loin, plus chers.

Ils ont perdu de nombreuses qualités propre au secteur : un petit prix, la meilleure qualité de l'air ,la proximité du parc, des transport en commun ou proximité de voie rapide/rocade, les vis-à-vis inexistants et les vues imprenables sur les massif montagneux, la solidarité de quartier et son lien social.

- Car c'est une aberration écologique sans nom, tant d'énergie dépensée à démolir des logements classés parmi les plus solides de l’agglomération en sachant que 1m2 démoli, c'est 1m3 de gravats ! Et ensuite il faut reconstruire, mais c'est plus cher vu l'explosion du prix des matériaux de construction !

Malgré un premier projet porté par les architectes aujourd'hui renommés, primés au niveau européen , Lacaton et Vassal qui proclamaient "il s'agit de ne jamais démolir", les décideurs ont décidé de faire exactement l'inverse, contre l'avis des habitants et des 4 millions d'euro dépensés en etudes.
Cette réhabilitation était possible, et nécessaire : les débats actuels autour de la nécessité de rénover thermiquement le montrent assez.

- Car beaucoup de promesses n'ont pas été tenues: notamment celle de réhabiliter cet immeuble, de ne pas en faire partir les locataires qui depuis des années ont payé dans leurs quittances, l'entretien et les gros travaux à venir de cet immeuble conventionné APL. Les locataires ne profiteront donc jamais de la baisse des charges promise depuis les années 1990.

Promesses écrites par l'ancien maire Michel Destot, qui avait conclu un deal avec la SDH (propriétaire de l'époque) et la CDC (nouvel acquéreur): La CDC avait pu racheter cet immeuble totalement en location social, en s'engageant à une réhabilitation. Un gros rabais lui a été accordé, ramenant le prix a 250€ le mètre carré habitable, soit environ -10 millions d'euro par rapport au marché. La CDC a eu d'autres avantages, terrains, droits à construire, voter en conseil municipal.

La CDC a ensuite prétexté des coûts de réhabilitation trop élevés, chiffrage toujours contestés par les habitants car trois fois plus cher que le prix de rénovation d'appartement identique dans la galerie de l'arlequin réalisée par la SDH (30/140). Des mensonges pour justifier et obtenir d'être subventionnée et indemnisée pour démolir, et vider l'immeuble.

- Car ont meurt dehors, car il manque des logements sociaux pas chers et de cette qualité. Les nouvelles constructions sont inabordables, deux ou trois fois plus cher au mètre carré habitable: Et ce qui sera reconstruit, sera reconstruit quand ? A quel prix, et de quelle qualité ?

- Car les locataires et le collectif contre les démolitions ont tout tenté pour sauver leurs logements: manifestations, participation aux instances de concertation du projet, dénonciation médiatique, 4 recours en justice, deux pétitions avec plus de 2000 signatures a chaque fois, des interventions au conseil municipal, des plaintes en justice et surtout un Référendum d'Initiative Populaire, qui a vu la grande majorité des 650 votants du quartier s'opposer à ce projet.

En face, personne n'a voulu les écouter : ni la CDC Habitat, ni le maire de Grenoble Éric Piolle, ni les agents de la Métro, ni le préfet de l'Isère, ni l'ANRU (agence nationale de rénovation urbaine). Car tous ont un intérêt à ces démolitions, totalement subventionnées, qui permettent de changer la population (pauvre) d'origine a très peu de frais, pour "libérer" du foncier très attractif pour les spéculateurs.

Pire, les responsables ont redoublé de pressions et de répression. Les locataires ont tout subi : des mensonges, des défauts de charges et endettement illégal , des intimidations, des chantages, des convocations au tribunal, des expulsions, des pannes d'ascenseurs , des coupures d'eaux ,des incendies inexpliqués.

Une donnée n'entrera jamais dans les bilans officiels d'une telle opération ; celle du coût humain.
Durant ces années, nous avons vu des cancers se déclencher soudainement, des dépressions se multiplier à la suite des relogements forcés... et de nombreux morts.

Au moins 8 personnes, à notre connaissance, sont décédées durant le temps du relogement.
Les responsables du relogement, qui connaissent la violence d'un départ forcé, ont rajouté du stress, de l'angoisse, de l'incompréhension et de la colère au relogement dont les conséquences sont catastrophiques pour la santé des habitants et en tiennent une grande responsabilité !

Combien ont perdu un proche, et même deux, dans cette opération ?

Le regret est grand que malgré la force de la lutte, la dignité des combattants et l'ampleur des scandales révélés, aucune investigation digne de ce nom n'a été lancée.

Aucun juge, aucun procureur, aucun journaliste ne s'est penché sérieusement sur la question, laissant le champ libre aux responsables de tout poil, qui ont pu mener à bien leur projet d'un autre âge en broyant au passage des dizaines de vies.

 Aujourd'hui, suite à la pandémie de COVID-19, à la crise climatique et énergétique, les constructions de logements en berne, la donne est en train de changer: les décideurs doutent. Les démolitions seront certainement moins à la mode qu'à une autre époque. Comme souvent, celles et ceux qui luttent avaient raison avant l'heure et demandent aujourd'hui un moratoire sur toutes les démolitions.

Nous ne sommes pourtant pas endormis: la seconde phase du projet de rénovation urbaine est en cours de discussion. Comme d'habitude, le projet est en train d’être ficelé sans les premiers concernés. Mais en cas de nouvelle injustice, les habitants seront prêts à se mobiliser a nouveau.

Les responsables apprendront-ils de leurs erreurs ?"